Vendre ou faire don de vos affaires est une solution respectueuse de la planète !
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Vendre ou faire don de vos affaires est une solution respectueuse de la planète !

On me demande souvent comment faire recycler ses vieux gadgets. « Il travaille chez iFixit, il devrait donc savoir ce qu’il faut faire de cette enceinte Bluetooth qui traîne dans mon placard depuis cinq ans. » Désolé, mais je n’ai pas l’intention de vous aider à démonter une batterie et à trouver un centre de dépôt. Moi, je préfère que votre truc arrive dans les mains de quelqu’un qui l’achète et va l’utiliser.

Difficile de savoir ce qui est le mieux pour la planète. Nous nous sommes tous déjà creusé la tête devant plusieurs poubelles pour identifier celle qui améliorerait le piteux sort de l’humanité. Mais il y a mieux : vendre ou faire don de vos appareils à quelqu’un qui va les utiliser est la solution la plus écologique. C’est beaucoup mieux que le recyclage, synonyme de destruction. Le défi consiste à se convaincre de vendre ou donner ses affaires dès qu’on n’en a plus besoin, c’est-à-dire quand la demande existe encore, la batterie et les pièces sont plus récentes et donc au moment où on a le moins envie de s’en séparer.

Franchement, la seule chose qu’on pourrait faire pour accumuler encore plus de mérites, c’est de demander aux entreprises de faciliter la réparation et le reconditionnement de leurs produits

Mais je ne vais pas casser le moral avec le cobalt, les incendies de batterie et les vis casse-pieds. Le problème est en partie social. Il s’agit au final de nos gros défauts d’êtres humains.

Tout adieu est difficile

Un Chromebook qui aurait vraiment dû sortir plus tôt du grenier.
Un Chromebook qui aurait vraiment dû sortir plus tôt du grenier.

Quand on achète un nouvel appareil et qu’on l’allume pour la première fois, il veut devenir notre ami avec une ardeur digne d’un élève le premier jour dans la nouvelle école. Il commence en disant « Bienvenue », « Bonjour », « Allons-y »… et parfois il parle ! Des textes emphatiques et des petites flèches nous poussent à essayer des trucs, en apprendre plus et téléphoner ou chatter avec le fabricant si nécessaire. Les fabricants mettent le paquet dans le processus d’accueil et de mise en place de tout nouvel appareil. Le but est de nous faire croire que notre vie est un peu différente d’avant le déballage de ce gadget. Au moins jusqu’à expiration du délai de retour. 

Quand arrive l’heure de nous séparer d’un appareil, ces bons amis ont déserté. Vous trouverez peut-être une page sur Internet expliquant comment préparer l’appareil avant de le renvoyer au fabricant (ce qui est le cas pour Apple et Microsoft par exemple), mais la plupart du temps, un manuel ou la Foire aux Questions du site suggère juste de le « recycler de façon responsable ». Nous voilà donc devant une batterie d’onglets ouverts à comparer les horaires de dépôts incompatibles et les listes d’articles non acceptés (et je parle d’avant COVID-19).

On ne vous explique pas ce qu’il faut faire. 

Les magasins de seconde main refusent habituellement les appareils électroniques usagés. Backmarket et autres reconditionneurs les reprennent, Apple les accepte avec joie pour son programme de reprise (et son recyclage questionnable). Si cela ne marche pas, on sacrifie un après-midi pour tenter sa chance dans une zone industrielle en espérant qu’un des dépôts va l’accepter. Ou bien on les cache tout simplement  jusqu’à ce qu’une réponse tombe du ciel.

La réponse ne viendra pas. C’est ainsi qu’un carton plein de téléphones et autres gadgets a suivi mon agente immobilière dans trois maisons différentes. Et que le père d’un ami a amassé cinq ordinateurs avant de demander à son fils ce qu’il pouvait en faire. Tous deux savaient qu’il ne fallait pas jeter les trucs avec écran ou batterie à la poubelle. Mais ce qu’on devrait en faire dépend de nombreux facteurs troubles. Et une fois les appareils bien vieux, il est plus difficile de les vendre ou d’en faire don.

Pourquoi se jouer un si mauvais tour ? Parce que nous avons peur de sortir de notre coquille. Peut-être que nous ne sommes pas prêts à négocier un prix, que nous avons peur d’avoir affaire à des inconnus ou bien qu’une voix intérieure nous susurre que vendre ses affaires hors magasin, ça fait miséreux et radin.

Alors nous déclarons forfait et l’iPhone 5c atterrit dans le tiroir à bazar, la destination des décisions qu’on n’arrive pas à prendre.

Vendre nous fait penser à la mort

Ma meilleure lecture à ce sujet – le sac à nœuds des ordinateurs dans le grenier, de l’imbroglio des e-déchets et de la culpabilité mise à vif –, c’est Ends de Joe MacLeod. Ends analyse longuement comment nous, le grand public, refusons absolument de prendre en compte la fin de vie des objets. Les films, les livres et les jeux ont habituellement un début, un milieu et une fin bien définis. Les objets acquis par les générations précédentes se faisaient réparer et finissaient en lambeaux ou récupérés, à moins d’être remis à un chiffonnier. Les produits, prestations et applications modernes finissent dans l’oubli jusqu’à leur abandon complet. L’éthique puritaine du travail, la psychologie des nouveaux achats, l’obsolescence programmée, sans compter notre tendance humaine à assimiler la perte de possessions avec l’éventualité de la mort, y jouent un rôle. Ends est une lecture de loisir vraiment particulière.

En janvier 2020, j’ai interviewé MacLeod au sujet des liens entre son travail, les e-déchets et l’élimination des produits. Depuis nous échangeons de temps en temps par email. À son avis, notre tendance à accumuler les produits repose en grande partie sur le rapport risque/bénéfice. Se débarrasser d’un divan cassé comporte peu de risques, mais un grand bénéfice. On gagne beaucoup de place, personne ne risque (a priori) d’accéder à notre compte en banque en crevant le divan et peu d’histoires racontent comment les divans empoisonnent les rivières des pays en voie de développement.

Et les téléphones, ordinateurs et autres gadgets ? Ils ne prennent pas beaucoup de place. Ils comprennent des données sur nous. Même après avoir supprimé celles-ci, il faut se désabonner sur le cloud. Les seules instructions du fabricant sont de “ne pas” les jeter à la poubelle. Et personne ne nous accuse de faire partie du problème des e-déchets si on les stocke quelque part. Jusqu’à présent, car je suis justement en train d’expliquer comment on y contribue en les stockant quelque part.

« “Ne pas” est-ce réalisable ? Ce n’est pas une fin, juste un transfert de responsabilité » fait observer Macleod. « Je pense que nous avons besoin d’une autre étape dans le processus, afin que les entreprises jouent leur rôle dans le cycle de vie complet d’un produit. Cela ne suffit pas de mettre un produit dans les mains de quelqu’un sans émission de carbone, il faut aussi le lui reprendre. »

À l’heure actuelle, gérer la dernière étape de ces appareils complexes est de notre ressort. C’est pourquoi il est beaucoup plus facile pour la plupart des gens de les reléguer dans un placard au lieu de décider de leur fin. Une version future de nous-même, celle qui a tout plein de temps, s’en occupera. Que pouvons-nous donc faire d’autre ?

Faire le boulot. Et probablement aussi de l’argent.

Voilà ce que nous devrions faire. S’il y a moyen, vendre l’appareil à quelqu’un qui en veut. Si ce n’est pas possible, l’offrir à un membre de l’entourage ou en faire don à une association. Peu importe pourquoi les gens veulent récupérer un appareil (faire des économies, récupérer des pièces, le reconditionner, l’utiliser à l’école, pour un projet YouTube…), c’est toujours mieux que le recyclage. Cette démarche est plus souvent couronnée de succès que ce qu’on croit ; dans tous les cas, c’est à essayer.

Écartons d’emblée les doutes qui peuvent venir à l’esprit :

  • Comment fixer un prix ? Chercher combien cet article, ou un article similaire, a coûté auparavant. Dans le doute, n’importe quel prix est mieux qu’un net négatif.  
  • Cela vaut-il vraiment la peine de le mettre en vente (pff), d’imprimer une étiquette d’envoi (soupir) et de l’expédier (olala) ? Oui. 
  • Et si jamais quelqu’un se plaint ou me pose une question tordue ? Honnêtement, dans le pire des cas, il faudra leur proposer un remboursement, mais vous aurez toujours gagné de la place.  
  • Est-ce que je risque d’être arnaqué ? Non, à condition de se renseigner et de prendre ses précautions. 
  • Où est le mal de le laisser là où il est déjà ? Si mes arguments ci-dessus ne vous ont pas encore convaincus, Marie Kondo aurait peut-être quelques idées là-dessus…
  • Le prix est tellement bas que ce n’est même pas la peine de l’envoyer en recommandé express. Pas de problème, il est peut-être plus facile d’en faire don, par exemple sur donnons.org ou via une annonce dans un journal local ou directement à une association. 
  • Je voudrais donner cet objet, mais plein de gens le veulent. Comment choisir à qui le donner ? Tirer à la courte-paille, jouer à pile ou face ou bien choisir celui ou celle qui en a le plus besoin. Les autres auront pardonné avant la fin de la lecture de cet article. Il faut juste penser à supprimer l’offre une fois débarrassé de l’objet.  
  • Pff on ne peut vraiment compter sur personne quand il s’agit de venir chercher quelque chose. Oui, c’est une raison pour laquelle il vaut mieux essayer de vendre que de faire don, et ignorer les gens pas sérieux : il s’agit d’une remise de 100 %, donc ce n’est pas à eux de poser les conditions.

Je suis suffisamment vieux pour me souvenir du lancement d’eBay : Cela avait tout du pari fou : des gens vont envoyer de l’argent à des gens qu’ils ne connaissent pas pour des affaires qu’ils n’ont ni vues ni touchées ? De nos jours, cette méfiance peut paraître vieux jeu, surtout si on a l’habitude d’affaires pas chères flambant neuves achetées d’un seul clic et livrées en deux jours. Mais eBay existe toujours ainsi que d’autres sites de ventes entre particuliers : leboncoin qui mène le marché en France, Facebook Marketplace, kiwiiz, sans compter les centaines de plateformes dédiées à la vente d’appareils spécifiques comme les appareils Apple, les appareils photo etc.  

Des appareils électroniques avec un tas d'étiquettes "Sale" autour d'eux

Dans le pire des cas, un encombrant en moins !

Fin 2020, j’ai mis à jour la carte graphique, le bloc d’alimentation et le système de refroidissement du processeur de mon ordinateur de bureau. Le lendemain, j’ai mis les composants que j’avais remplacés en vente sur eBay. La carte graphique (une GTX 2070 âgée de quatre ans) est partie en 4 minutes pour un prix que je trouvais perso un peu cher. Le bloc d’alimentation et le système de refroidissement ont été vendus au terme de 3 jours de vente aux enchères. Cela m’a inspiré et j’ai mis en vente encore plus des trucs enfouis dans mon tiroir « Tout et n’importe quoi » : l’équipement réseau de mon ancien logement, des ampoules LED intelligentes et un dock Thunderbolt.

L’acheteur du bloc d’alimentation est revenu vers moi après quelque temps, car le port d’alimentation SATA semblait cassé. Au bout de quelques messages, il a suggéré que j’avais envoyé le mauvais câble qui semblait avoir grillé la prise 5 V du circuit. Pendant quelques secondes, j’y ai vu la preuve que j’étais un échec, une honte, un zéro de vendeur. Le moment d’après, j’ai proposé de rembourser intégralement l’article. Si ce truc est vraiment mort, j’espère qu’il sera recyclé de façon responsable. Mais au moins je sais que j’ai tout essayé et je n’ai plus ce sentiment de culpabilité qui me hantait à chaque fois que je le voyais dans le placard.

Ce concept « Essayez de faire de l’argent avec ce qui vous appartient, même si ce n’est pas grand’chose » n’entend nullement appeler à défendre la société capitaliste. Mais si nous voulons vraiment réparer la planète, passons aux actes, même si cela peut être légèrement inconfortable, et ne nous contentons pas d’attendre la solution de la poubelle unique. Le plus important est de ne pas trop réfléchir ; n’ayons pas peur de conflits aux très faibles enjeux. Oui, cela peut être difficile d’aller au-delà de sa propre zone de confort, mais je suis convaincu que comme moi, vous allez y arriver et la planète vous dira merci.

Crédits : Cet article a été écrit par notre rédacteur Kevin Purdy et traduit par Claire Rapp.