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L’année 2022 devrait être décisive pour le droit à la réparation

Cette année, la lutte pour votre droit à la réparation a déjà commencé et les progrès actuels sont d’excellent présage. De quoi être optimistes !

L’année dernière, la France a posé le cadre d’une révolution de la réparation. Un indice de réparabilité a été introduit dans la législation. Il oblige les fabricants de smartphones, ordinateurs portables, télévisions, lave-linge et tondeuses à gazon à faire une estimation de leur réparabilité. L’indice doit être bien  visible à côté du prix, avant l’achat. Il est en train d’être étendu aux aspirateurs, lave-vaisselle, lave-linge à chargement par le haut et nettoyeurs haute pression. De plus, un fonds réparation est prévu pour le courant de l’année, qui offrira au moins 10 % de réduction aux consommateurs faisant effectuer une réparation par un prestataire certifié. La France fait ainsi figure de bonne élève, mais plusieurs associations dénoncent le manque d’ambition des mesures qui ont été revues à la baisse en cours de route. Affaire à suivre !

Le droit à la réparation européen prend de la graine du modèle français. La Commission européenne a promis une proposition législative relative au droit à la réparation en septembre 2022, car c’est une des cinq priorités du pacte vert pour l’Europe. Cette proposition devrait se baser sur les mesures d’écoconception qui sont entrées en vigueur en mars de l’année dernière. Elles exigent la mise à disposition de pièces et manuels de remplacement pour les lave-linge, lave-vaisselle, réfrigérateurs et écrans. Nous espérons que la Commission va étendre ces dispositions à tous les appareils électroniques grand public.

Au Canada, Bryan May, membre du Parlement, va probablement réintroduire un projet de loi qui n’avait pas donné suite l’année dernière. En effet, le droit à la réparation fait partie du programme du parti de May et celui-ci a été nommé à un poste influent. La loi canadienne sur le droit d’auteur interdit actuellement les réparations qui impliquent de contourner les verrous numériques appelés « mesures techniques de protection ». En effet, contrairement aux USA, il n’y a pas d’exception pour les réparations. Le projet de May légaliserait le contournement de ces verrous à des fins de diagnostic, entretien ou réparation. L’année dernière, le Parlement l’a transmis au Comité de l’industrie avec un vote unanime de 330 à 0, ce que The Repair Association qualifie de « notablement non controverse et à l’encontre de la partialité habituelle ». Ce support unanime est de bon augure pour sa réintroduction en 2022.

On s’attend à ce que le gouvernement australien réagisse cette année à un rapport de la Commission de productivité datant de décembre 2021, qui a identifié des barrières à la réparation « significatives et non nécessaires ». La Commission a proposé des réformes inspirées du monde entier : développer un label de réparabilité similaire au système français, amender la loi sur les droits d’auteur comme le projet de loi canadien et exiger des pièces pour réparer les machines agricoles tel que les fermiers le réclament aux États-Unis.

Aux États-Unis, au moins 25 États sont en passe d’adopter un projet de loi en faveur du droit à la réparation. Ces projets de loi couvrent tout, des iPhone aux tracteurs et aux fauteuils roulants, grâce au vaste soutien de plusieurs partis. Il y a quelques semaines, les efforts aux États-Unis ont abouti à des auditions publiques des projets de loi en faveur du droit à la réparation en Illinois et dans l’État de Washington. L’année dernière, ces projets ont progressé plus que jamais, arrivant même à mi-course dans la législation de l’État de New-York. Le président américain Joe Biden a publié un décret enjoignant la Federal Trade Commission (FTC) à prendre des mesures à l’encontre des restrictions de la réparation. Peu de temps après, la FTC s’est engagée à les combattre. De même, lors d’une audition récente dans l’État de Washington, la société Microsoft s’est déclarée neutre. Cela représente un immense progrès, car elle s’était opposée au droit à la réparation dans son état d’origine les années précédentes. Le projet de loi qui y est débattu exigerait que les fabricants mettent pièces, outils et informations de réparation à disposition des prestataires indépendants de réparation en janvier 2023, puis des consommateurs individuels en janvier 2024.

Tout fabricant smart observant cette dynamique devrait réaliser que les jours du monopole de la réparation sont comptés – et quelques-uns commencent à tendre l’oreille. Face à une résolution des actionnaires demandant un meilleur accès à la réparation, Apple a annoncé commencer à proposer pièces, outils et documentation pour les nouveaux iPhone. Ce programme démarre au début de cette année pour les consommateurs américains et s’étendra prochainement à d’autres produits et pays. Confrontée à une résolution des actionnaires similaire quant au droit à la réparation, Microsoft a décidé d’étudier l’impact potentiel de la facilitation de la réparation (et de prendre en compte ses découvertes). L’organisation qui a orchestré la résolution des actionnaires d’Apple, Green Century, vient de déposer une proposition d’actionnaires auprès d’Alphabet, la société mère de Google.

Les entreprises qui insistent sur les restrictions de la réparation sont « à court d’excuses », selon Nathan Proctor, directeur de campagne pour U.S. Public Interest Research Group. « Réparer les objets que nous avons cassés relève du bon sens et c’est une nécessité écologique. Nous avons calculé que si les Américains utilisaient leurs téléphones mobiles en moyenne un an de plus, les bienfaits pour le climat seraient équivalents au retrait de 636.000 voitures des routes. »

Si vous souhaitez donner un coup de main, appeler des députés ou leur écrire une lettre est un excellent moyen de faire entendre sa voix. Si vous résidez dans l’Union Européenne, faites un tour sur repair.eu. Habitants des USA, consultez Repair.org. En Australie, c’est Griffith University Law Futures qui héberge Repair Australia. Si vous vivez au Canada, gardez un œil sur CanRepair. De notre côté, nous œuvrons à vous tenir au courant des avancées de cette formidable cause !

Crédits : Cet article a été écrit par notre directrice de la durabilité Elizabeth Chamberlain et traduit par Claire Miesch.