À la rencontre de la fondatrice des Repair Cafés
Conseils pratiques

À la rencontre de la fondatrice des Repair Cafés

Cet article a été initialement écrit en 2019 à l’occasion du 10e anniversaire du premier Repair Café et de la Journée Internationale de la Réparation. Afin de commémorer cette semaine si notable pour la réparation, nous avons parlé avec Martine Postma, l’activiste et ancienne journaliste qui a initié le mouvement Repair Café tel que nous le connaissons aujourd’hui. Mis à jour en septembre 2021, cet article reste un intemporel célébrant un mouvement qui n’a cessé de croître depuis.

Nos vies sont remplies d’objets. Mais qu’arrive-t-il à ces objets une fois cassés, usés ou devenus inutiles ? Voici l’une des questions qui inspiraient et poussaient Martine Postma dans son travail de journaliste. Ses articles portaient sur la durabilité et sur la façon de réduire et de prévenir les déchets. En 2009, elle réalise un reportage sur l’exposition d’art Platform 21 qui tourne autour de la réparation. Le concept de la réparation l’inspire tellement que la même année, elle fonde le premier Repair Café à Amsterdam.

« Je voulais faire plus que juste écrire à ce sujet, raconte Postma. De plus en plus de gens ne se retrouvent pas dans notre société du jetable et sont prêts pour un changement. Les gens ne jettent pas parce qu’ils le veulent, mais parce qu’ils ne savent pas comment faire autrement. » 

Ouvrir la voie à un mouvement global

Le premier Repair Café de Postma à Amsterdam est un grand succès. Les gens sont ravis d’avoir de l’aide pour réparer leurs affaires et souhaitent plus d’espaces comme celui-ci. En 2012, Martine crée donc la Repair Café Foundation pour apporter du soutien professionnel aux groupes qui lancent leur propre Repair Café.

Menschen reparieren etwas in einem Repair Café
Un endroit agréable pour réparer et apprendre ensemble – voilà le principe d’un Repair Café. © Martin Waalboer/Repair Café Foundation

Aujourd’hui, on compte plus de 2 000 Repair Cafés répartis dans plus de 30 pays. Rien qu’en 2019, ils ont, tous ensemble, réussi à éviter à peu près 420 000 kilos de déchets. D’après les calculs de l’association, c’est l’émission d’environ 10 millions de kilogrammes de CO2 qui a ainsi été empêchée. Parmi ces objets, on trouve en majeure partie des machines à café, mais les gens apportent de tout aux Repair Cafés : aspirateurs, vélos, lampes, pantalons, machines à coudre, horloges, manteaux, fers à repasser et ordinateurs portables.

« Bon nombre des articles apportés aux Repair Cafés ne sont pas vraiment cassés, constate Martine, ils n’ont besoin que d’un peu d’attention, il suffit souvent de les nettoyer, de les lubrifier ou de les détartrer. La plupart du temps, la solution est vraiment simple. Mais les gens n’ont pas le savoir-faire nécessaire pour prendre soin, entretenir et réparer leurs affaires et c’est là le problème. »

D’un mouvement local à un mouvement politique

Ce manque de savoir-faire n’est pas toujours la faute du consommateur. Souvent, les fabricants ne fournissent aucune information de réparation aux consommateurs et il est difficile de se procurer des pièces de rechange. « En plus, les produits modernes ne tiennent que quelques années, ils ne sont pas faits pour durer des décennies, explique Martine. Quand ils se cassent, les remplacer est non seulement moins cher, mais c’est aussi plus simple que de chercher la pièce de rechange et le tutoriel de réparation adaptés. »

Voilà pourquoi la Repair Café Foundation a mis en place Repair Monitor, un outil en ligne qui permet aux bénévoles des Repair Cafés de recueillir des données de réparation sur les produits et marques qu’on leur apporte. Grâce au Repair Monitor, les bénévoles peuvent enregistrer des informations comme les défauts des produits et le succès de réparations spécifiques. L’information est par la suite transmise à l’association afin de lui fournir un aperçu de la durabilité et de la réparabilité des produits que nous utilisons au quotidien. Les avancées politiques, comme par exemple les nouvelles directives européennes sur l’écoconception, progressent dans la bonne direction et visent à améliorer les méthodes de fabrication de ces produits, mais ce genre d’action à grande échelle nécessite du temps.

En attendant, Martine Postma a pour but d’inspirer les gens à reconsidérer leur relation avec les objets et de sortir des sentiers battus (jonchés de déchets). « De temps à autre, c’est une bonne idée d’essayer de voir les choses sous un autre angle, » dit-elle. C’est ce qu’elle a fait lors de sa visite de l’exposition Platform 21 sur la réparation – le sujet qui est devenu sa passion.

Besucher des Repair Cafés sehen sich einen kaputten Gegenstand an
Inspecter nos affaires de plus près et découvrir leurs mécanismes internes permet de se libérer de la peur de la réparation. © Martin Waalboer/Repair Café Foundation

Martine souhaite un avenir plus riche et diversifié en ce qui concerne la réparation : « Vous pouvez acheter de nouvelles choses partout et à tout moment. La réparation devrait disposer des mêmes options. » Si on donne plus de choix au gens, la réparation va se démocratiser : que ce soit du DIY à la maison, une réparation accompagnée dans un Repair Café ou bien en apportant des affaires à réparer à un professionnel pour un prix juste et raisonnable. « Il y a une pléthore de possibilités pour la transition vers une société qui considère la réparation comme une chose normale. »

Changer le monde commence par notre façon de penser

Le mouvement de la réparation et le Droit à la Réparation ont encore un long chemin à parcourir, mais la bonne nouvelle est qu’il suffit de changer votre façon de penser pour changer votre statu quo. Réparer quelque chose est loin d’être aussi compliqué qu’on le croit – qu’il s’agisse de remplacer une batterie de smartphone ou de raccommoder des vêtements. Et la réparation ne nous permet pas seulement de créer des liens avec nos affaires, mais aussi avec d’autres gens, que ce soit la communauté iFixit ou ces gens sympas qui vous ont aidé à réparer votre cafetière au Repair Café.

Martine espère qu’un jour les Repair Cafés ne seront plus nécessaires. Dès lors que la réparation sera une partie intégrale de la société, elle ne sera plus considérée comme un événement particulier qui a lieu une ou deux fois par mois. Et que fera Martine à ce moment-là ? « Du jardinage, nous répond-elle, et je savourerai les petites choses de tous les jours. »

Crédits : Cet article a été écrit par notre rédactrice Dorothea Kessler et traduit par Annika Faelker.