Vue éclatée du MacBook Pro M2 14” 2023… avec un coup de pouce d’Apple
Vues éclatées

Vue éclatée du MacBook Pro M2 14” 2023… avec un coup de pouce d’Apple

C’est bien connu que nous critiquons souvent Apple pour ses pratiques anti-consommateur : la firme de Cupertino monopolise son écosystème de réparation avec l’appariement des pièces, pratique l’obsolescence culturelle ou psychologique, ment au Congrès des États-Unis, entre autres nombreux exemples de comportement lamentable. Mais sur un point, elle a fini par allumer une lueur d’espoir à l’horizon : le programme d’auto-réparation, disponible en Europe depuis fin 2022.

La venue de la mise à niveau symbolique que représente la puce M2 Pro dans le MacBook Pro 14” est l’occasion rêvée de creuser le sujet de la réparabilité, avec l’aide d’une des pépites du programme d’auto-réparation Apple : le manuel de réparation MacBook M1. Nous voulons savoir s’il est possible de consulter le vieux manuel du MacBook Pro M1 pour une réparation MacBook Pro M2.   

Attention, spoiler ! Oui, c’est possible.

Efficacité éprouvée ou obsolète ?

Pouvoir consulter le manuel de la génération précédente n’est ni une surprise ni une mauvaise nouvelle. Okay, « rafraîchir » le design d’un produit est un moyen artificiel d’augmenter la consommation – un siècle d’études marketing est là pour le confirmer. Mais il y a aussi des économies à la clé de la conservation des processus de fabrication, comme le succès du modèle T d’Henry Ford le prouve.

En plus de l’opportunité de peaufiner les moindres défauts d’un produit, garder un processus de fabrication évite de devoir changer l’outillage des chaînes de montage. Une partie de ces économies se répercute dans les poches du grand public. Cela facilite aussi la vie aux réparateurs et réparatrices en herbe : design familier et plus de pièces disponibles, bingo ! Non seulement les fournisseurs de pièces d’origine peuvent produire plus d’exemplaires d’une même pièce, mais le marché des pièces tierces a également plus de temps et d’intérêt à en produire. Ha et les changements minimaux voire inexistants de l’outillage en usine signifient moins de déchets et de temps perdu. Que d’avantages !  

Le MacBook Pro M1 et le MacBook Pro M2 ont des processus de fabrication similaires. Donc Apple gagne plus d’argent, le grand public fait des économies et chez iFixit, nous apprécions particulièrement la possibilité d’utiliser le même manuel de réparation MacBook près de 2 ans plus tard.

Pavés tactiles MacBook Pro M1 et MacBook Pro M2
À part quelques circuits imprimés, les pavés tactiles MacBook Pro M1 et MacBook Pro M2 se ressemblent comme deux gouttes d’eau.

Mon impression générale du manuel de réparation MacBook Pro M1 est positive. La longueur du pavé (162 pages !) et le nombre d’avertissements sont certes intimidants au premier abord, mais j’ai commencé à saisir la logique interne après compréhension du layout du manuel et de sa méthodologie. Le manuel Apple vous donne les clés du succès – si vous avez la patience et le temps de suivre consciencieusement les instructions.

Jeu des différences : le MacBook Pro M2 a-t-il changé ?

Quant au MacBook Pro M2, il a évidemment évolué, mais les changements se limitent à la carte mère. La partie la plus intéressante est la taille apparemment réduite du dissipateur thermique de la puce M2. Elle nous a incités à mener une petite enquête, car nous nous attendions à ce que le nouveau dissipateur thermique soit aussi grand, voire plus grand que l’ancien. 

Une fois la puce dépouillée de ses couches protectrices, la raison de la différence de taille saute aux yeux. La puce du MacBook Pro M1 dispose d’un module de RAM LPDDR5 Samsung de 8 Go de chaque côté, alors que celle du MacBook Pro M2 a deux modules de RAM LPDDR5 SK Hynix de 4 Go de chaque côté – donc quatre au total. Ce sont les mêmes modules de RAM que ceux que nous avons trouvés dans le MacBook Air M2

Et si les tensions des chaînes d’approvisionnement avaient rétréci la RAM ?

Donc les puces sont de tailles comparables, juste agencées différemment. Mais pourquoi Apple se sert ici de quatre modules de RAM au lieu de deux plus grands ? J’ai posé la question à Dylan Patel, analyste en chef chez SemiAnalysis. Voici sa réponse : « L’approvisionnement en substrats ABF était tendu quand Apple a fait ce choix. Avoir quatre modules plus petits au lieu de deux plus grands, réduit la complexité des circuits entre la RAM et la puce, donc le substrat a besoin de moins de couches. Cela permet d’économiser le stock limité de substrats. » 

Puces M1 Pro (à gauche) et M2 Pro (à droite)
À gauche : Puce M1 / À droite : Puce M2

Et les problèmes de chaîne d’approvisionnement ne s’arrêtent pas là. Pendant qu’Apple s’occupait de rétrécir les modules de RAM, elle faisait l’inverse avec les modules NAND, en passant de quatre modules à 128 Go dans le MacBook Pro M1 14” à deux modules à 256 Go dans son successeur. Nous avons observé une transition similaire sur le modèle entrée de gamme du MacBook Air M2, qui a vu ses performances de lecture/écriture chuter. À présent, on nous rapporte que notre MacBook Pro M2 14” est aussi touché. Seuls les modèles d’entrée de gamme souffrent de cette baisse de performance de 20 à 40 %. 

Mais pourquoi tout ça ? D’après Patel, la raison est toute simple : les petits modules de 128 Go sont plus difficiles à dénicher et coûtent plus cher, parce qu’ils sont progressivement retirés du circuit et que l’industrie transitionne vers des modules NAND toujours plus grands. S’ensuit la question : pourquoi Apple s’encombre alors d’une version à 512 Go ?

Deux cartes mères MacBook Pro et leurs modules NAND. En haut : carte mère M1, en bas : carte mère M2.
En haut : Carte mère MacBook Pro M1 avec deux modules NAND de 128 Go dans le coin inférieur droit et deux autres de l’autre côté. / En bas : Carte mère MacBook Pro M2 avec un seul module NAND de chaque côté.

Dans son ensemble, cette vue éclatée nous a présenté des aspects passionnants de la réparation selon Apple.

L’auto-réparation Apple… il y a toujours un « mais »

La petite bête n’a pas changé, j’ai nommé l’appariement des pièces. Pour l’heure, les designs ont beau être toujours plus réparables, les verrous logiciels mis en place par Apple vont droit vers un gaspillage futur. En effet, des pièces pourtant en bon état seront jetées au lieu d’être réutilisées. La vie utile de nos appareils est limitée à l’assistance Apple – selon le bon plaisir de la firme de Cupertino. Mettons qu’un modèle n’est plus pris en charge parce qu’obsolète, ses verrous logiciels restent. Donc, même si un fabricant tiers veut bien produire des pièces de rechange, le fonctionnement de ces pièces risque d’être bridé

Nous avons mis 20 ans à obtenir ces manuels, mais l’enjeu monte vite. Nous allons continuer à lutter pour promouvoir le droit à la réparation. Ce qui inclut dénoncer l’appariement des pièces, peu importe qu’il s’agisse de réparation téléphone, ordinateur portable ou électroménager

Cet article a été traduit par Claire Miesch.