​​Machine à glace McDo : quand le droit d’auteur gèle les réparations
Vues éclatées

​​Machine à glace McDo : quand le droit d’auteur gèle les réparations

Au cœur de l’été. Le soleil qui tape. Une envie folle de glace. Vite au MacDo ! Mais le personnel, épuisé, vous annonce que la machine à glace est en panne…

Voilà la réalité d’une grande partie des McDo du monde… À tout moment, environ 10 % des machines à glace des McDo américains sont en panne ; en France, il y en a moins, car le géant du fastfood semble plus y investir dans l’entretien de son réseau. Bref, iFixit a décidé de s’attaquer à ce problème sous deux angles. Nous prenons donc à la loupe les rouages poisseux des machines à glace et ceux de la législation américaine sur le droit d’auteur, qui compliquent tellement leur réparation.  

Voici le cerveau derrière la fabrication des McFlurry et autres gourmandises glacées.

La fonte des espoirs de réparation

Saviez-vous que lorsqu’une machine à glace est « en panne », il s’agit souvent d’un simple logiciel qui fait des siennes ? Enfouie sous des mots de passe et des messages d’erreur cryptiques, même une simple réparation peut entraîner l’intervention coûteuse d’un technicien.

Taylor, le fabricant de ces machines, garde le secret sur les codes d’erreur et les manuels. Il en résulte des interventions de SAV fréquentes et coûteuses, qui constituent une part considérable de leurs bénéfices.

Nous serions ravis de pouvoir fabriquer un outil permettant de déchiffrer les codes d’erreur et d’aider les propriétaires des franchises McDo à diagnostiquer et réparer leurs machines. Mais la loi sur le droit d’auteur s’y oppose catégoriquement. 

Pour celles et ceux d’entre vous qui ne sont pas des mordus de la législation sur le droit d’auteur : le Digital Millennium Copyright Act (DMCA) américain comporte une section (1201) qui rend illégal le contournement des verrous logiciels sur les appareils, même pour les réparer. Cela pouvait sembler logique à l’époque du piratage des CD, mais aujourd’hui, il met les bâtons dans les roues de la réparation électronique.

Dans l’Union Européenne, la Directive 2001/29/CE sur le droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information est similaire à la section 1201 du DMCA, mais plus stricte. D’après Wikipédia, « contrairement à la section 1201 du Digital Millennium Copyright Act, qui n’interdit que le contournement des mesures de contrôle d’accès, la directive interdit également le contournement des mesures de protection contre la copie, ce qui la rend potentiellement plus restrictive. La législation américaine et l’européenne interdisent toutes deux la production, la distribution, etc. d’équipements utilisés pour contourner les mesures de contrôle d’accès et de protection contre la copie ».

Brisons la glace !

C’est pourquoi nous unissons nos forces à celles de nos amis chez Public Knowledge pour demander au Bureau du droit d’auteur des États-Unis d’exempter les machines à glace du DMCA (voici leur communiqué de presse).

Tous les trois ans, nous avons la possibilité de demander au Bureau du droit d’auteur d’exempter des appareils du DMCA. Nous avons obtenu des exemptions pour toutes sortes de produits, des iPhone aux tracteurs. Mais la réparation des machines à glace est restée illégale, jusqu’à présent.

Une fois cette exemption obtenue, nous pourrions aller plus loin avec cette machine : au lieu de juste la démonter physiquement, nous pourrions aussi fouiller dans le logiciel. Grâce à l’ingénierie inverse, nous pourrions décoder les codes d’erreur et trouver comment les réinitialiser.

Mais cela ne résoudrait pas entièrement le problème : la plupart des propriétaires de franchises McDonald’s ne sont pas des pirates informatiques et ne seront pas en mesure de comprendre comment interpréter et traiter les codes d’erreur de la machine par leurs propres moyens.  

Une entreprise nommée Kytch a voulu apporter une solution en développant un outil qui permettait de traduire les codes d’erreur en instructions simples. Cependant, Taylor et McDonald’s ont rapidement écrasé cette initiative, arguant de « risques de sécurité » non prouvés.

C’est pourquoi nous avons démonté une machine à glace McDo.

Anatomie d’un péché mignon

Qu’avons-nous trouvé ? Beaucoup de pièces facilement remplaçables : un échangeur de chaleur avec des tuyaux en cuivre, un moteur et une courroie, et trois circuits imprimés… sans outils supplémentaires, nous n’allons pas toucher au gros compresseur, mais il n’y a rien ici qui soit hors de portée de quelqu’un qui sait jouer du tournevis.

Regardez notre vue éclatée vidéo complète, il n’y a rien de plus craquant que la glace au silicium. 

Même si la législation sur le droit d’auteur acceptait d’accorder l’exemption que nous avons soumise aujourd’hui, nous ne pourrions pas partager avec vous ce que nous avons découvert dans le cerveau de notre propre machine, à moins de modifier complètement la législation.

C’est pourquoi nous demandons au Congrès des États-Unis de réintroduire le Freedom to Repair Act, qui légaliserait également les outils de réparation, en exemptant de manière permanente toutes les activités de réparation de la section 1201 du DMCA. Tant que nous n’aurons pas obtenu cette exemption générale, la réparation des machines à glace sera compromise.

Nous ne nous battons pas seulement pour un péché mignon, si onctueux soit-il ; nous nous battons pour le droit de réparer nos affaires, pour la liberté de disposer de nos biens, et… bien sûr, aussi un peu pour notre péché mignon. 

Chez iFixit, nous rêvons d’un monde où chaque envie de glace McDo se termine bien. Un monde où les boissons rafraîchissantes sont toujours au menu et où les appareils sont vraiment à nous. D’ici là, gardez vos cônes et votre moral au beau fixe, car un changement se profile à l’horizon, et son goût ressemble beaucoup à celui d’un McFlurry.

Vous voulez apporter votre pierre à l’édifice ? Trouvez un réseau qui milite pour la réparation près de chez vous et faites entendre votre voix.

Cet article a été traduit par Claire Miesch.