Les exigences du droit à la réparation pour les entreprises
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Les exigences du droit à la réparation pour les entreprises

Comment l’industrie peut anticiper la législation du droit à la réparation

L’État de New-York vient d’adopter la première législation du droit à la réparation au monde et la question est qui lui emboîtera prochainement le pas ? Peut-être bien l’UE ? Le vent tourne et si les entreprises veulent tenir le coup, il faut qu’elles s’adaptent. Mais pourquoi et comment ? Voyons ensemble ce que le droit à la réparation signifie pour les entreprises concernées !

Qu’est-ce que le droit à la réparation ?

Le droit à la réparation est un terme générique qui englobe toutes les législations qui protègent le libre marché de la réparation. Sa popularité s’est accrue avec l’arrivée des produits électroniques, étant donné leur complexité, leur prix, ainsi que le contrôle croissant exercé par leurs fabricants. Du Magnuson–Moss Warranty Act aux États-Unis de 1975 et de la loi Hamon de 2016 en France au projet de loi historique de l’État de New-York, le pouvoir législatif pave la voie du droit à la réparation global et ne ne se limite pas à une branche spécifique. Pourquoi de l’essuie-glace BMW disponible seulement en abo serait absurde, mais de telles restrictions monnaie courante avec les cartouches d’imprimantes ? Les batteries de téléphone s’usent comme les pneus, alors pourquoi ne pas les changer tout aussi simplement ?

En raison de la nature universelle du droit à la réparation, la lutte pour le promouvoir change continuellement de focus. La loi Magnuson–Moss a élevé la barre en maintenant l’obligation de garantie même en cas de réparation par un tiers. De même, la lutte actuelle pour la documentation de la réparation et la disponibilité des pièces sera un frein de plus aux restrictions logicielles de réparation, à l’obsolescence programmée et aux outrepassements de la législation des droits d’auteurs.

Quoique l’idée d’investir dans l’écosystème de la réparation puisse effrayer les directeurs financiers au premier abord, construire un produit meilleur et plus réparable est en fait une bonne affaire. La tech réparable fait faire des économies au cours de la production et du réusinage. La différence peut se mesurer en milliards en cas de rappel pour composants défectueux (ainsi, le rappel du Galaxy Note 7 aurait coûté plus de 10 milliards de dollars à Samsung – désastre en grande partie évitable si la batterie avait été facile à changer). Un appareil réparable est également plus facile à recycler, donc la gestion de la fin de vie est plus écologique et moins problématique.

Et aspect encore plus important, favoriser la réparation fidélise la clientèle. 95 % des membres d’iFixit affirment qu’une réparation couronnée de succès augmente la probabilité de racheter un produit de la même marque. 82 % des Français renonceraient à leur marque préférée pour un produit plus réparable. La réparabilité est un pilier du droit à la réparation, en ce sens qu’un objet est seulement réparable quand les pièces, les instructions et les outils sont disponibles.

Quelles seraient les exigences pour les entreprises ?

An image of three green illustrations representing cellphone repair tools, repair manuals and information, and an unlocked padlock
Outils, savoir-faire et accès libre à la réparation sont des besoins fondamentaux.

La lutte pour le droit à la réparation se concentre actuellement sur ces trois principes : des prix raisonnables pour les pièces, manuels d’entretien publics et gratuits ainsi que l’accès aux informations de réparation comme les logiciels et les schémas.

Les lobbys de la réparation travaillent également à promouvoir l’affichage de la réparabilité afin d’informer les consommateurs et consommatrices de la durée de vie et de la réparabilité vraisemblables d’un produit, à mieux encadrer les lois des droits d’auteur afin d’éviter les abus, ainsi qu’à réglementer la conception réparable (p.e. batteries amovibles, prise en charge logicielle sur le long terme, etc.).

C’est peu à peu, en se battant bec et ongle, que ces droits se gagnent. L’État de Colorado a réglementé la réparation des fauteuils roulants, brisant un monopole qui privait les personnes du droit fondamental de se déplacer pendant des semaines d’attente. L’État de New-York met un trait sur les blocages de réparation d’électronique, mais il faut encore sécuriser ces avancées. Le droit à la réparation gagne du terrain et il est temps que les entreprises rafistolent leurs écosystèmes de réparation en piteux état. 

Si vous travaillez pour une entreprise et que vous vous sentez dans vos petits souliers, nous allons vous dire ce que nous avons dit aux adeptes de la réparation DIY pendant presque vingt ans : avec nous, c’est facile de réparer.

Comment les entreprises peuvent se conformer aux exigences du droit à la réparation ?

Bien que l’adoption de la réparation hante certaines entreprises, elle ne rime pas pour autant avec dur labeur. Il peut suffire d’élargir les ressources déjà utilisées par les équipes techniques autorisées – comme Apple l’a fait peu à peu au cours des ans. Quant aux entreprises sans centres d’entretien et réparation, il existe d’autres possibilités.

1e possibilité : construire son propre écosystème de réparation de A à Z

Fairphone cellphone parts against a mint green background
Conception réparables, pièces et support logiciel – Fairphone est à la pointe de l’industrie en Europe.

Des entreprises comme Fairphone and Framework ont conçu leurs produits en pensant au remplacement des pièces dès le départ. C’est le moyen le plus simple de se conformer aux règlementations – si vous démarrez une entreprise tech de zéro. Pour les grands groupes plombés par l’inertie, créer une plateforme de réparation risque cependant d’être difficile. La transition culturelle du contrôle et du secret stricts à l’application transparente d’un côté, mais aussi la mise en place de l’infrastructure et du contenu du jour au lendemain peuvent relever du défi.

2e possibilité : confier les défis de la logistique à un tiers

Apple a choisi de recourir à un service tiers pour son programme Self Service Repair et de créer un site internet et un système distincts. Cela ressemble beaucoup à une solution clé en main. Ok, nous ne sommes peut-être pas très objectifs. Mais l’absence de l’habituelle finition Apple saute aux yeux et la mise en page du site pourrait faire douter plus d’un de l’authenticité des pièces. 

Des options locales de réparation comme uBreakiFix aux États-Unis ont permis à Samsung de proposer des solutions sans de grosses difficultés. Chacune de ces solutions pourrait être élargie pour remplir les trois besoins en réparation : pièces, outils et manuels. Mais bonne nouvelle : au risque d’énoncer une évidence, nous connaissons une entreprise plutôt experte en la matière…

3e possibilité : à la iFixit

Comme vous le savez peut-être déjà, nous collaborons avec des entreprises, comme Google, Samsung et Valve, pour que chaque réparateur et chaque réparatrice puisse se procurer des pièces d’origine. L’atout merveilleux d’être une communauté de réparation est que cela fait un bout de temps que nous… réparons. iFixit est née du besoin de disposer de manuels de réparation. Nous avons rétroconçu les outils qui étaient censés nous exclure. Tous les jours, nous aidons des milliers de personnes – ainsi que des entreprises – à réparer leurs affaires. iFixit a les capacités et l’expertise nécessaires pour tout gérer, de la vente des pièces à la création et à l’hébergement des manuels d’entretien et de réparation pour vos produits.

Faire équipe avec iFixit est l’un des nombreux moyens de se conformer à la législation du droit à la réparation, mais si vous avez besoin d’aide, contactez-nous.

Quelles entreprises sont déjà prêtes pour le monde du droit de la réparation ?

Des entreprises du monde entier se préparent aux changements radicaux qu’apporte le droit à la réparation. Quelques-unes ont choisi une approche conservatrice, d’autres ont fait des sérieux efforts pour être à la pointe du progrès. De grands groupes prennent des mesures et quel que soit votre investissement, il y aura toujours quelqu’un pour faire mieux. Faisons un tour d’horizon de la branche et des engagements de certaines entreprises leaders.

Conformité à la va-vite

Samsung fournit des manuels d’entretien en ligne depuis des années – contre rémunération et si vous savez où chercher. Pour s’aligner, il suffirait de les rendre accessibles au grand public, gratuitement. Mais ce strict minimum serait vite dépassé par les réglementations. Depuis, Samsung a commencé à travailler sur une solution plus complète.

Si vous cherchez le meilleur endroit pour publier des PDF, pourquoi pas le plus grand tutoriel de réparation au monde, gratuit et en ligne ? Pendant la pandémie, nous avons recueilli 13.000 manuels de réparation d’appareils médicaux en format PDF, afin d’aider les techniciens médicaux du monde entier à garder les respirateurs artificiels en état de marche. Nous sommes capables de gérer une nouvelle catégorie d’appareils et une nouvelle communauté de réparation du jour au lendemain, iFixit est donc sans doute l’endroit idéal pour vous implanter. 

Conformité de la documentation de l’entretien

Batteries amovibles et un tutoriel public gratuit – bravo bObsweep !

Quant aux entreprises qui souhaitent quelque chose de plus accessible qu’un PDF – ou qui ne disposent pas de tutoriels du tout – la plateforme iFixit est idéale pour créer, héberger et partager les informations de réparation avec votre communauté globale. Rappelez-vous que les réparations couronnées de succès fidélisent la clientèle. Une entreprise de sac à dos de San Francisco, Timbuk2, nous a contacté et décidé de rédiger quelques tutoriels eux-mêmes et, main sur le cœur, ils sont plutôt réussis ! bObsweep, apparemment le leader du marché des robots aspirateurs au Canada, est apparu un beau jour sur notre site avec une collection complète de tutoriels de réparation soignés. Sans oublier les ordinateurs suisses Why! documentés depuis des années sur notre plateforme. Nous sommes épatés ! Rédiger des tutoriels iFixit est tellement facile. (P.S. : nous avons des tutoriels pour créer des tutoriels !) 

Conformité sur toute la ligne

Des entreprises comme Apple, connues pour leur clairvoyance et leur célérité, ont ouvert l’accès à pièces, tutoriels et informations de réparation avant qu’il y ait une législation. Non seulement cela leur laisse du temps pour éliminer les bugs du système, mais aussi, plus une entreprise saute tôt sur le train de la réparation, plus la planète en profite. Osons le dire : la durabilité est une bonne affaire.

Et Samsung, Google et Microsoft ? Eh bien, la saison des bonnes nouvelles vient de commencer avec le partenariat Google Pixel ! Gardez un œil sur nos collaborations pour ne pas manquer la suite !

Aller plus loin

La conscience écologique est inscrite dans son ADN, donc ce n’est pas une surprise que Patagonia ait été la toute première entreprise à collaborer avec iFixit pour aider sa clientèle à réparer leurs affaires. Elle prend entièrement en charge une garantie absolue et propose une gamme populaire de produits reconditionnés aux USA. Ont également été publiés des douzaines de tutoriels de réparation, des tuyaux en couture et même des consignes d’entretien sur iFixit.

Nous avons fait équipe avec des entreprises pour rédiger des tutoriels et vendre des pièces, mais aussi pour fabriquer des outils à leur usage. Votre imagination est notre limite ! Notre communauté de réparation vous offre de nombreuses opportunités !

Quelle est LA chose que les PDG devraient retenir du droit à la réparation ?

La réparation ne vous fera pas de mal. Peu importe les apparences, le droit à la réparation profite à tout le monde – aux entreprises locales, à la planète et aussi aux bénéfices. Le droit à la réparation arrive, aucun doute à ce sujet. Qu’il s’agisse d’un projet de loi national ou des exigences d’affichage dans l’UE, le futur sera réparable. Il faut certainement s’attendre à des douleurs de croissance, car toute entreprise va devoir évoluer. Mais le monde est prêt pour la réparation ! Des actionnaires l’ont réclamé et des colosses comme Microsoft et John Deere ont fléchi. Les électeurs et les électrices ont réfuté les arguments fallacieux des lobbyistes de mauvaise foi. Pour un monde meilleur.

Il reste une question : Mènerez-vous la charge ? Ou resterez-vous toujours aux basques de la concurrence ? 

Cet article a été traduit par Claire Miesch.