Les câbles et moi : une histoire d’amour pandémique
Réussites

Les câbles et moi : une histoire d’amour pandémique

Ces deux dernières années m’ont donné le goût pour des choses presque oubliées. Les longues promenades avec mon chien, les parties nocturnes de jeux de société, la lecture d’un livre réel : que de redécouvertes plaisantes dans ces temps difficiles. La re-rencontre la plus significative est peut-être bien une chose qui n’aurait jamais dû disparaître de nos vies : les câbles.

Je m’étais convaincu au cours des années précédentes que les câbles étaient passés de mode. J’étais un adepte avant-gardiste de l’industrie des longueurs d’onde. À moi la sonnette sans fil, les autofélicitations pour la mise à niveau de mon domicile et la rêverie d’une salle de séjour bourrée de subtils chargeurs sans fil intégrés !

Un jour, alors que la pandémie venait de commencer, je tombai sur des AirPods sur le trottoir. Je les observai pendant quelques minutes sous le regard de mon chien. Je savais que la plupart des écouteurs sans fils étaient un cauchemar en matière de réparation et d’environnement. Je considérai en silence mes propres écouteurs Bluetooth, de l’espèce avec un fil entre les deux oreillettes. N’avais-je pas droit à un futur affranchi de tout cordon ? (Après tout, il est bel et bien possible de changer la batterie des AirPods ?)

Mais j’avais tort : les câbles des écouteurs, comme beaucoup trop de câbles fort utiles, sont injustement dédaignés. La frénésie capitaliste de vouloir caser circuit imprimé, batterie et puce sans fil dans tout bien durable concevable nous a aveuglés quant à la valeur intrinsèque des connexions câblées, rapides et fiables, qui ne nécessitent ni recharge, ni jumelage, ni protection contre les interférences. 

Permettez-moi de nommer et encenser quelques câbles, ces liens physiques que j’ai resserrés au cours de ces deux ans.

Écouteurs filaires

Dernièrement, beaucoup d’entre nous ont appris à apprécier les écouteurs. Ils versent du son – musique, vidéos, jeux, notre collègue Alyssa – directement dans nos oreilles. De plus, ce son repousse d’autres sons – la musique, les vidéos, les jeux de votre coloc’, la voix d’Alyssa – hors de nos oreilles.

Wired headphones

Ma femme passe chaque jour des heures en appel visio, et moi 2 à 3 modestes heures par semaine. La plupart du temps, nous télétravaillons tous les deux depuis notre appartement. Je pensais avoir trouvé la solution pour elle : un casque sans fil Jabra. Il avait un tas de fonctionnalités paramétrables dans une appli : suppression de l’écho, volumes différents suivant l’appli en utilisation et charge sans fil. Et des fonctionnalités qui manquaient : affichage fiable dans la liste des appareils des participants avec Teams et Zoom, ne pas parasiter soudainement l’interlocuteur et rester chargé après qu’un chat le fasse tomber de son chargeur au milieu de la nuit. Nous avons dû le remplacer car il robotisait automatiquement la voix de ma femme. Son remplaçant ne dispose pas de charge sans fil, mais aucune des autres complications ne manque à l’appel.

Et enfin nous avons dégoté la solution ultime : un écouteur intraauriculaire.  En d’autres mots, une paire de ces écouteurs pas chers, tellement usée que seul un écouteur caoutchouté fonctionnait vraiment. Elle le branche à son ordinateur professionnel, l’insère dans son oreille et utilise une webcam USB en guise de microphone. Le casque sans fil est toujours en usage – quand elle est lasse des appels assis, elle fait un appel audio et se promène dans notre logement.

De mon côté, je reste fidèle à mon casque Sony MDR-7506. Véritable référence dans le monde des audiophiles, il est réparable, à condition de trouver les pièces. Je sais que certaines personnes adorent leurs casques à réduction de bruit, mais ils ne suffisent pas pour gommer les voix (ou tout autre bruit soudain). Le câble du 7506 est largement assez long quand je suis installé à mon bureau. Quand je regarde une émission ou joue à un jeu sur notre télé, j’utilise ce petit adaptateur Bluetooth pour le connecter aux appareils sans prise jack. C’est une légère concession et ajoute une batterie à notre compteur, mais il fera ce boulot pendant très longtemps.

Câbles Ethernet

Autrefois, je vivais dans une maison individuelle et un monde sans Covid. Les appels audio ne représentaient pas le premier moyen de communication professionnelle. Il m’arrivait de regarder une série Netflix ou une émission Hulu sur ma télé. Le Wi-Fi couvrait largement les besoins en connexion et était relativement facile à mettre en place et gérer – débrancher et rebrancher en cas de soucis. 

Ethernet cables

Nous avons déménagé dans un immeuble à plusieurs étages pendant la pandémie. Le réseau sans fil de notre nouveau logement rappelle beaucoup une tumultueuse séance boursière. Ampoules et interrupteurs connectés,  tablettes, téléphones, caméra de sécurité et autres appareils se bousculent joyeusement dans nos réseaux à 2,4 et 5 GHz. Les routeurs sans fil, Macbook, barres de son, etc. de mes voisins s’y incrustent également, sans oublier une imprimante sans fil que quelqu’un n’a pas fini de paramétrer. Quand ma femme ou moi nous figions dans un appel visio ou que The Witcher s’arrêtait net, difficile d’expliquer que le coupable était… la vie moderne ? Aucun de vos appareils n’écoute quand vous essayez de les impressionner avec un exposé sur la théorie des files d’attente ! 

Tout ceci n’est plus qu’un lointain cauchemar, car cet immeuble dense en Wi-Fi offre un sursis : des prises Ethernet dans les murs. Si vous souhaitez que deux appareils communiquent sans fil, vous devez prendre en compte de nombreuses choses : bandes, firewalls, structure des murs, sous-réseaux, règles QoS, firmware du routeur, saturation, etc. Si vous souhaitez que deux appareils communiquent dans un réseau Ethernet, vous les branchez tous les deux. Pas la peine de taper sur le mur pour définir s’il est juste en brique ou s’il y a des conduits métalliques derrière. Vous n’avez qu’à les brancher. 

Depuis que nous avons investi dans des câbles Ethernet suffisamment longs, il n’y a plus eu d’appels Zoom figés ou d’arrêts sur image d’un film, à part ceux liés à un lointain centre de données. Des douzaines de gadgets sans fil continuent de crier famine, mais je ne les entends pas. Si vous avez un grand logement, ou des appareils sans fil qui ont sérieusement besoin d’un coup de pouce, vous pouvez combiner Ethernet et réseaux Mesh pour une meilleure portée et fiabilité. Mais le véritable héros de l’histoire est ce modeste câble aux extrémités clipsables, câble dont je croyais autrefois l’âge d’or révolu. 

Haut-parleurs non sans fil (ou presque)

Speakers with wire ports

Pendant un bout de temps, mes nouveaux haut-parleurs sans fil de la marque Sonos ont vécu cette vie de Wi-Fi saturé. Ou plutôt subi. Certains jours, l’un ou l’autre disparaissait de la liste des instruments de musique de nos smartphones. Je le débranchais, effectuais parfois un reset, et il réapparaissait… pour disparaître à nouveau au bout de quelque temps. L’un d’eux se trouvait à un peu plus d’un mètre du routeur sans fil. Il s’y jouait le futur de l’audio, avec implication de l’envoi de nombreux logs de diagnostic multipages au service client de Sonos. 

Au milieu de ce feuilleton, j’ai rendu visite à un ami dans le Massachusetts à la campagne. Le propriétaire précédent de sa nouvelle maison y avait implanté de nombreuses idées. Entre autres, une sonorisation de toute la maison, avec des haut-parleurs de plafond au-dessus de la baignoire, du son surround dans la salle de séjour et des prises blanches et rouges partout ailleurs. Cela aurait été vraiment dommage de gaspiller tous les efforts consacrés par quelqu’un d’autre à aménager ces quatre murs. 

Sur Facebook Marketplace, j’ai déniché quelqu’un qui se débarrassait de ses haut-parleurs Pioneer – deux unités arrière et une barre centrale – pour environ 20 dollars. Ni une, ni deux, nous les avons cherchés, emprunté un récepteur au beau-père de mon ami, pesté contre l’absence complète d’étiquetage des prises et… remis les haut-parleurs en état de marche. Le temps de boire une bière et d’écouter un peu de musique, nous nous sommes remis au bricolage pour le reste du weekend. À aucun moment, un haut-parleur Pioneer ne nous fit faux bond et seul le chien de mon ami était capable de mettre le bazar dans les câbles des haut-parleurs. 

Mes haut-parleurs Sonos ont ensuite eu droit à leur propre sauvetage (plus ou moins) filaire. En explorant les forums et subreddits d’assistance Sonos, j’ai découvert que brancher un de mes haut-parleurs Sonos via Ethernet permettrait de les connecter tous pour former un « Sonosnet » privé, au lieu de laisser chacun d’eux négocier son existence et ses données avec notre routeur Wi-Fi. Si vous ne pouvez pas déployer de câble Hi-Fi, la meilleure alternative est de faire déserter vos haut-parleurs du Wi-Fi !

Charge non sans fil

Un beau jour, ma femme et moi avions enfin tous deux des téléphones capables-de-charger-sans-fil et je commençai à rêver d’un futur sans câble. Où poser l’unité de charge sur l’îlot de cuisine ? Quelle position permettrait de changer les téléphones au plus vite sur le bureau ? Puis j’ai lu le guide d’Eric Ravenscraft qui explique (avec iFixit à l’appui) à quel point la charge sans fil est inefficace.

Pile of charging cables

Il est fort probable que, si vous utilisez la charge sans fil, vous rencontrez un problème majeur : la position. Vous manquez l’anneau d’induction ou vous le touchez inconsciemment et déjà votre appareil ne charge pas. Apple a essayé de résoudre le problème avec Magsafe, mais son adoption a traîné les pieds. En parallèle, même si la position est bonne, la charge sans fil produit beaucoup de chaleur, donc de l’énergie est gaspillée.

« Nous avons calculé qu’en cas d’une efficacité énergétique de 100 %, il faudrait faire tourner 73 centrales au charbon pendant une journée pour charger 3,5 milliards de batteries à bloc en une fois », explique Arthur Shi, rédacteur technique chez iFixit, à OneZero. Mais il suffit de positionner mal leur téléphone pour réduire l’efficacité de la charge et le chiffre augmente : « Si l’efficacité de la charge baisse à seulement 50 %, vous devez doubler les [73] centrales pour charger toutes les batteries. »

Eric Ravenscraft, Debugger

J’essayais de me convaincre que ma contribution à un futur rétrograde était mince – aucune goutte d’eau ne se tient responsable de l’inondation ! Mais le coup de grâce m’attendait dans le 11e paragraphe.

« De plus, les deux chargeurs sans fil ont consommé un peu d’énergie alors qu’aucun téléphone n’était en charge – environ 0,25 watts. Cela paraît négligeable, mais en 24 heures, on arrive à 6 Wh. Un ménage comprenant des chargeurs sans fil branchés à plusieurs endroits – disons un à côté du lit, un dans la salle de séjour, un autre au bureau – gaspillerait en une journée autant d’énergie qu’il en faudrait pour charger complètement un téléphone. En guise de contraste, le câble chargeur standard de mon test, n’a pas laissé s’échapper une goutte mesurable de courant. »

Eric Ravenscraft, Debugger

Donc on était en train de me dire que non seulement la charge sans fil encombrait les surfaces utilisables de mon logement, me surprenait sporadiquement de bon matin avec un téléphone HS, encourageait à la fois l’achat et la mise au rebut de câbles et prises murales, mais repoussait également notre futur électrique décarbonisé ? Renversant ! Je décidai alors qu’il valait mieux améliorer ma technique de camouflage de câbles. 

Tous les câbles qui peuvent (à nouveau) se brancher à un ordinateur portable

Apple a, pendant au moins les sept dernières années, mené une guerre d’usure contre les câbles. La société a éliminé la prise jack des iPhone 7, a raboté encore et encore les MacBook jusqu’à ce qu’ils n’aient plus qu’une prise jack et une prise USB-C, puis s’est débarrassé de chargeur, écouteurs et adaptateur à partir de l’iPhone 12. N’oublions pas non plus la rumeur persistante et diffuse des iPhone sans fil ni ports. Apple, qui aime tellement contrôler l’expérience utilisateur, a toutes les raisons de nous pousser vers des appareils presque sans ouverture vers l’extérieur.

Et pourtant, il y a les nouveaux MacBook. Ils ont des ports, plus nombreux et variés que les MacBook des dernières années. Trois ports USB-C, HDMI, un nouveau port de charge MagSafe, une prise jack et un lecteur de carte SSD. Vous pouvez y brancher sept câbles à la fois si vous le souhaitez. Ils sont probablement arrivés trop tard pour les télétravailleurs qui avaient déjà acheté des douzaines de docks, dongles et adaptateurs pour chez eux. Mais cela ressemble bien à une confirmation sans bruit qu’un seul point de défaillance, c’est en fait un peu nul ?

2021 MacBook Pro ports

Deux mois après le lancement de ce MacBook, un ami me recrutait pour remplacer la batterie et l’unique port USB-C de son MacBook 2016. Apple lui en demandait entre 350 et 800 dollars, selon le nombre de réparations qu’il souhaitait et si un port USB-C de rechange était disponible. Il était noté dans le devis que, peu importe son choix, le boîtier entier serait changé.

Je m’en suis donc chargé pour une somme bien plus modeste, avec des pièces iFixit. Cela m’a pris au moins deux heures à cause des espaces étroits, la colle tenace et parce qu’il fallait retirer chaque composant sur ma route. Quand je le lui ai rendu, il tenait la charge et fonctionnait de nouveau avec son moniteur Thunderbolt. Pas besoin de le mettre à niveau, car il fonctionnait. Mais il fonctionnera seulement tant que cet unique port – la source d’énergie, des données et la porte de communication avec le moniteur et pour toute entrée extérieure – tombe à nouveau en panne.

L’autre histoire d’ordinateur de l’année 2021 est le Framework, un ordinateur portable entièrement modulaire, super réparable, qui mérite un indice de 10/10 sur notre échelle de réparabilité. Pour extraire ses ports, il suffit littéralement d’appuyer sur un bouton. On peut en changer et les remplacer sur une boutique en ligne. Partant de zéro un an plus tôt, une nouvelle entreprise fabricante a fait des ports un pilier de sa plateforme.


Au bout de deux ans, ma relation avec les câbles a atteint son sommet, telle une comédie romantique (au focus exceptionnellement étroit). Oui, les câbles peuvent être brouillons. Ils ne sont peut-être pas assez élégants pour certains adeptes des solutions minimalistes et sans fil. Et bien sûr, certains câbles m’ont laissé tomber, se cassant ou refusant de se plier comme je l’aurais voulu. Mais les câbles sont à mes côtés et ils savent ce qui compte pour de vrai. Câbles, vous m’avez conquis ! 

Image d’en-tête par John Barkiple sur Unsplash.

Cet article a été traduit par Claire Miesch.